Rémy Bourgeon, président de la société de gestion d’actifs immobiliers Alderan, gestionnaire, notamment, de la SCPI ActivImmo, est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ». Au programme : le secteur logistique, bien sûr. Avec les réflexions de ce spécialiste sur les évolutions possibles de cette classe d’actifs. Mais aussi l’annonce d’une nouvelle acquisition d’importance : un portefeuille de 19 actifs logistiques, en partie porté par la SCPI.

En plus de présenter de très bons fondamentaux techniques, cette acquisition permet au fonds de renforcer sa présence sur la dorsale logistique (axe majeur Lille – Paris Rémy Bourgeon, vous êtes le président-fondateur du groupe Ojirel, et de la société de gestion d’actifs immobiliers Alderan. Alderan, certains le savent, est le gestionnaire de la SCPI ActivImmo, le seul véhicule de sa catégorie à investir exclusivement dans le secteur logistique. Et qui connaît, depuis maintenant plus d’un an, une progression assez impressionnante de sa collecte. C’est d’ailleurs ma première question : pourquoi le secteur logistique a-t-il, aujourd’hui, autant de succès auprès des investisseurs ?

Rémy Bourgeon – Il y a deux raisons principales, à mon avis, à l’appétit des investisseurs pour le secteur logistique. La première est une raison intrinsèque à ce secteur particulier : sa résilience, qui a été démontrée au cours de la crise sanitaire. Où la nécessité de disposer de bâtiments logistiques pour acheminer les marchandises est devenue une évidence. La seconde raison est extrinsèque : une certaine défiance des investisseurs envers les autres classes d’actifs tertiaires. En particulier, pour le secteur du commerce. Car beaucoup d’investisseurs, notamment en raison de l’essor du e-commerce, se demandent si les « boîtes commerciales » ont encore un avenir… Ces deux phénomènes se sont donc conjugués pour mettre en avant la logistique.

Revenons sur votre parcours. Vous dirigez aujourd’hui Alderan, mais cela fait plus de 30-40 ans que vous travaillez dans le secteur immobilier. Et notamment logistique. Qu’est-ce qui a le plus changé ces dernières années, selon vous, dans le secteur immobilier ?

Rémy Bourgeon – J’ai effectivement entamé ma carrière de bonne heure. A 22 ans. Et j’en ai 62 aujourd’hui. Ce que j’ai observé au cours de ces quatre décennies ? Quand j’ai débuté, il n’y avait en fait que deux classes d’actifs immobilières : la classe résidentielle, et la classe tertiaire. Et l’on ne faisait pas trop de différence au sein de ces deux sous-ensembles. Aujourd’hui chaque classe principale, résidentielle comme tertiaire, s’est fragmentée en une multitude de classes d’actifs secondaires. Lesquelles ont leurs propres opérateurs et leurs propres spécificités.

Revenons sur votre parcours. Vous dirigez aujourd’hui Alderan, mais cela fait plus de 30-40 ans que vous travaillez dans le secteur immobilier. Et notamment lEt la classe d’actifs logistiques ?

Rémy Bourgeon – Au cours des dix dernières années, la classe d’actifs logistiques a émergé par rapport à la classe d’actifs bureaux qui était auparavant, je dirais, la classe d’actifs « étalon » en matière d’investissement tertiaire. Bien sûr, au sein de la classe tertiaire, il y a aussi l’hôtellerie, le tourisme. Au sein de la classe résidentielle, on a vu apparaître les résidences seniors, les résidences gérées, des résidences hospitalières ou quasi hospitalières, avec les Ehpad. C’est donc pour moi ce panorama désormais « éclaté » l’élément le plus important dans l’évolution de l’immobilier ces 30 dernières années.

Alderan intervient d’ailleurs sur le secteur logistique, mais pas que… Vous êtes aussi présents sur les segments bureaux et hôtellerie. Quel est le poids de ces classes d’actifs dans votre activité ?

Rémy Bourgeon – Notre ADN principal, qui tient à mon parcours, est effectivement la classe d’actifs logistiques et les locaux d’activités. Mais notre champ d’intervention est plus large. Nous gérons aujourd’hui un peu plus de 500 M€ d’actifs immobiliers. Sur ces 500 millions, 30% sont investis en bureaux. Ce n’est pas une proportion négligeable. 10% environ sont dédiés au secteur de l’hôtellerie, du tourisme et du loisir. Le solde, c’est 50% de logistique, et un peu moins de 15% de locaux d’activité.

Vous êtes en train de clôturer le lancement d’un fond professionnel dédié à la logistique. Je crois savoir que la collecte est au rendez-vous. Mais avez-vous d’autres projets de développement ?

Rémy Bourgeon – Ce fonds rencontre effectivement un succès un peu similaire à celui d’ActivImmo… En un mois, il a collecté plus de 20 M€. Il s’agit d’un fonds « court-termiste » et opportuniste, qui s’adresse à des investisseurs avertis. Et il est vrai qu’un tel succès est plutôt étonnant à cette période de l’année. Nous avons  aussi d’autres projets. Notamment celui de lancer, l’année prochaine, un fonds tourisme, avec des opérateurs qualifiés. Nous sommes, dans cette perspective, impliqués dans la réhabilitation d’un patrimoine architectural qui était en déshérence depuis plusieurs dizaines d’années. J’ai d’ailleurs le plaisir de vous annoncer que ce développement sera mené en partenariat avec Histoire et Patrimoine, la filiale d’Altarea Cogedim…

Revenons 2 minutes sur le secteur logistique. Et sur sa définition. Quand on parle de logistique, on pense entrepôt XXL, on pense Amazon, on pense Dorsale rhodanienne. Mais on pense aussi à la logistique du dernier kilomètre. Et aux locaux d’activités, dans toutes leurs dimensions. En réalité, quels sont réellement les actifs qui entrent dans le champ du secteur logistique, et font preuve de la résilience propre à ce secteur que vous évoquiez précédemment ?

Rémy Bourgeon – La logistique, c’est avant tout un flux. C’est donc l’acheminement de marchandises d’un point à un autre. Mais, au sein même de ce qu’on appelle l’immobilier logistique, il y a effectivement plusieurs sous-catégories. Il y a celle que vous évoquiez. C’est-à-dire les entrepôts XXL, ou XL, de type Amazon, de type Cdiscount, etc. Ce sont des endroits où sont massifiés les flux de l’ensemble des marchandises, afin de les distribuer ensuite de façon plus parcellisée. Il s’agit donc de bâtiments énormes, dont la surface couverte peut dépasser les 15 hectares. C’est considérable. Et très cher, et très mécanisé. J’ajoute que, contrairement à ce que l’on croit généralement, ce type d’entrepôts est très créateur d’emplois. Y compris des emplois très qualifiés, tels que les informaticiens, indispensables à la bonne gestion des outils robotiques. A coté de ces grandes plateformes, il existe également des plateformes de taille plus modeste.

Le secteur logistique recèle d’autres potentialités. Il y a notamment la hausse potentielle des loyers. Ceux-ci sont, en France, à des niveaux souvent inférieurs à ceux pratiqués dans d’autres pays européens. D’autre part, avec la montée en puissance du e-commerce, la demande pour les actifs logistiques va continuer à croître. Il y aura donc très probablement, dans les dix ans qui viennent, à la fois une progression de la profondeur du marché – plus d’actifs disponibles – et une progression de la valeur locative des actifs logistiques..” – Rémy Bourgeon, Président Fondateur, Alderan

C’est-à-dire ?

Rémy Bourgeon – Ce sont des actifs plus proches des bassins de consommation, puisqu’ils sont destinés à assurer la distribution finale. On trouve dans cette catégorie des entrepôts classiques, dont la surface est comprise entre 5 000 et 10 000 m². Ce sont par exemple les messageries. Elles sont conçues autour d’un quai ouvert, double-face. D’un côté, les camions qui déchargent leurs marchandises. De l’autre, des fourgonnettes qui en assurent la livraison vers l’utilisateur final. Le bâtiment par lui-même ne sert donc que de lieu de passage, une opération qui peut être évidement elle aussi informatisée et mécanisée. Mais il ne sert pas de lieu de stockage proprement dit.

C’est à ce type de bâtiments auquel vous vous intéressez en priorité ?

Rémy Bourgeon – Ce type de bâtiments, qui entrent déjà un peu dans le créneau de la logistique urbaine -puisqu’ils sont « collés » aux bassins de consommation-, oui, nous intéresse. Mais pas uniquement. Il y a aussi un échelon supplémentaire à la logistique urbaine, qui se situe à l’intérieur des villes. C’est là que les consommateurs vont chercher leurs colis : c’est le fameux « click & collect ». Ce type d’actifs entre également dans la chaîne logistique. Celle-ci est donc assez fragmentée. Il est d’ailleurs assez étonnant de voir le nombre de points par lesquels passe une marchandise avant d’arriver chez le consommateur final. C’est l’un des enjeux de l’optimisation de la chaîne logistique : diminuer autant que faire se peut les ruptures de charges…

L’une des raisons du succès de la logistique est effectivement que les distributeurs sont de plus en plus prêts à payer des loyers élevés pour se trouver au plus près de leurs clients. De ce fait, il y a de plus en plus d’investisseurs qui s’intéressent au secteur, donc de plus en plus de concurrence. Cela ne vous inquiète pas ?

Rémy Bourgeon – Il ne faut jamais craindre la concurrence. On est dans un monde ouvert. Plus il y a de monde, plus il y a d’acteurs, plus la classe d’actifs est valorisée. Il est évidemment plus facile d’agir quand on est seul sur son marché. Car il est clair qu’il faut déployer encore plus d’agilité dans un marché concurrentiel, pour acquérir des bâtiments avec une certaine rentabilité. Il y a aujourd’hui une pression sur les taux de rentabilité. Qui peut induire, à terme, une compression des taux. Elle va conduire à moins de services, à moins de rendements pour les investisseurs. Mais le secteur logistique recèle d’autres potentialités.

C’est-à-dire ?

Rémy Bourgeon – Il y a notamment la hausse potentielle des loyers. Ceux-ci sont, en France, à des niveaux souvent inférieurs à ceux pratiqués dans d’autres pays européens. D’autre part, avec la montée en puissance du e-commerce, la demande pour les actifs logistiques va continuer à croître. Il y aura donc très probablement, dans les dix ans qui viennent,  à la fois une progression de la profondeur du marché -plus d’actifs disponibles- et une progression de la valeur locative des actifs logistiques.

Un mot sur ActivImmo, pour finir. Vous avez lancé cette SCPI il y a un peu moins de 2 ans. Elle pèse déjà plus de 200 millions d’euros, grâce à une collecte qui explose -ce qui fait d’ailleurs des jaloux dans le monde de la gestion collective immobilière-. Pensez-vous pouvoir tenir le rythme de cette croissance, je dirais « effrénée », tout en maintenant un taux de rendement au-dessus de 6% ?

Rémy Bourgeon – Les 6% seront maintenus, j’ai déjà eu l’occasion de le préciser, pour 2021. J’ai aussi déjà averti que pour 2022, ce rendement aura du mal à être maintenu. Du fait, précisément, de la concurrence grandissante sur la classe d’actifs logistiques. Mais nous serons entre 5% et 6%. Côté investissements, les clignotants sont au vert. Notre « pipeline » est relativement fourni. Car l’une de nos caractéristiques, c’est notre capacité à anticiper la collecte. Son abondance actuelle nous réjouit. Et je regrette que certains puissent en être jaloux. En ce qui nous concerne, nous sommes plutôt admiratifs des réussites des autres. Et pas jaloux du tout. Je suis personnellement très content de voir qu’Epargne Pierre collecte énormément, ou que la SCPI Vendôme Régions continue sa progression…

Pensez-vous qu’il y aura prochainement une autre SCPI dédiée au secteur logistique ?

Rémy Bourgeon – C’est très probable. Mais il y a déjà un certain nombre de SCPI qui se sont diversifiées sur cette classe d’actifs…

Propos recueillis par Frédéric Tixier